Qu’est-ce qu’on entend par pédagogie coopérative? Comment la mettre en place? Comment instaurer et faire vivre une micro-démocratie dans la classe? Comment développer un projet de groupe?
J’ai été introduit aux pédagogies Freinet par F. Lenoir en été 2012 (vive les séminaires d’été dans la campagne jurassienne!)
Après plus de 10 ans d’expérience(s) avec ces outils, que puis-je en dire?
Quelques pistes…
Interviews et réflexions à propos d’une approche inspirée par les pédagogies Freinet en classe de Français comme langue d’intégration et dans la formation professionnelle. L’approche par projets élaborée en co-construction avec les apprenant.e.s. s’exprime le mieux à travers les conseils de classe. Ceux-ci servent de lieu d’interface pour expliciter ensemble les attentes des participants, définir un modus vivendi, co-définir les objectifs et les moyens de les atteindre. C’est outil exemplaire pour pratique l’autogestion pédagogique et favoriser la co-construction dans le groupe.
Interview réalisée par Mamadi Diallo pour le journal en ligne: www.voixdexils.ch (janvier 2020)
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Conseil de classe, procédure standard:
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Exemples de chartes de classe:
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Réflexions sur la pratique (2023):
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Post-scriptum : notes à l’usage des enseignant.e.s souhaitant l’expérimenter (2022).
Célestin Freinet a toujours refusé qu’on le place au même rang que les créateurs de systèmes pédagogiques (comme Decroly, Montessori, Cousinet…), il craignait que le mythe de la personne avec des techniques pédagogiques figées entraîne la sclérose de la pédagogie. C’est comme si l’imprimerie à l’école au lieu d’être un moyen d’expression libre devenait la technique centrale obligée de sa pédagogie alors que le message à retenir est d’introduire et d’adapter des sciences et des techniques dans l’environnement de la classe pour favoriser le développement de nouvelles tâches en adéquation avec l’évolution de la société.
Il y a un risque de s’enfermer dans une voie unique et étroite et de prendre la technique à la place de l’activité de l’esprit qu’elle devrait servir. Il convient d’être au clair sur son cadre institutionnel, sa posture professionnelle et ses valeurs individuelles avant de se lancer dans ce genre d’activités: principe de congruence (soyez authentique!). Les trois éléments seront susceptibles d’évoluer à mesure que l’expérience se développe (mais vous n’êtes responsable que des deux derniers): passer d’une posture pédagogique à une posture andragogique.
Si les discussions du conseil abordent des éléments liés au cadre institutionnel dans lequel vous êtes, je vous conseille d’opter pour une posture de médiateur/trice (transmettez à qui de droit ou invitez les personnes concernées à venir à un conseil. A l’impossible nul.le n’est tenu.e mais favorisez toujours la communication transparente.). A chacun.e ses responsabilités! Nul besoin d’être un.e énième fonctionnaire Eichmann (H. Arendt), nul besoin de jouer le sauveur (S. Karpman).
Il n’y a pas de rôle fixe. Cela favoriserait la concentration des pouvoirs, le pouvoir doit être transitif et communément partagé par toutes et tous. Par défaut, le tirage au sort peut servir de moyen pour débloquer une situation.
Il est aussi important d’avoir en tête que ce n’est pas la forme que cela peut prendre qui compte mais ce qu’elle représente: la liberté donnée à un groupe de discuter, se fixer lui-même ses objectifs, s’auto-gérer et s’auto-évaluer. La démocratie dans l’espace de la classe doit être voulue et investie activement par les principaux intéressé.e.s.
De tous les rôles, celui de maître du temps me semble le plus important. La procédure se déploie dans un temps limité à chaque fois et à une fréquence déterminée. On finit toujours par les prises de décisions avant une météo finale. On ajourne ce qui est resté en suspens, on gère la descente d’émotions des participants (si besoin).
On entretient les boucles de rétro-action. On fait ce qu’on dit qu’on allait faire. Le conseil contrôle toujours si ce qui avait été dit a bel et bien été fait, on régule les décisions antérieures au besoin. Le conseil commande du travail de l’enseignant et pas l’inverse, donc si l’enseignant des attentes il devrait les expliciter et les soumettre à un vote.
Les questions éducatives ne sont qu’une première étape et pas une fin en soi. Attention à l’infantilisation, c’est contreproductif. Le travail prime et est, à mon sens, le seul invariant! La classe est une unité de production!
Si le contexte ne le permet pas ou que vous ne vous sentez pas à l’aise de le faire, autant ne pas persister et adopter d’autres outils ou une posture qui vous sied mieux. Rien n’est écrit dans dans le marbre, tout est toujours à inventer!
Comme dans toute sphère (micro-)politique démocratique, l’enseignant.e (la figure dominante) doit veiller à lâcher prise, s’effacer, abandonner son piédestal et laisser de côté la tentation d’user de son ascendant et de son pouvoir d’influence sur le groupe pour qu’une vraie co-construction puisse émerger. Les effets seront très vite perceptibles, mais cela peut commencer par générer des conflits cognitifs chez les apprenants (besoin d’être rassurés, avoir un cadre sécurisé et sécurisant).
Cela doit être un vrai espace démocratique ou toutes et tous ont leur place et peuvent s’exprimer librement. Les effets positifs seront admirables et observables très rapidement.
Plus le groupe s’habituera à la forme rituelle, plus il pourra s’investir dans le fonctionnement et plus l’enseignant pourra se cantonner à un rôle d’observateur participant, voire d’observateur exclusivement (observation analytique). Les meilleurs outils à votre disposition: l'(auto-)explicitation et la transparence.
L’enseignant doit garantir un principe de bienveillance et d’échange libre (ou en accord avec les limites de la charte) au risque de voir apparaitre des déviances qui mettraient en péril l’expérience (timidité exacerbée de la parole, prise de pouvoir, dérive autoritaire d’une personne ou d’un sous-groupe, simulacre de démocratie pour une auto-justification descendante du pouvoir, les laissés pour compte). Comme en politique, aucun système ne peut se maintenir par la violence (ne fût-ce-t-elle que symbolique). La démocratie doit être désirée et entretenue, la dérive autoritaire est toujours possible. Il faut chercher l’adhésion et le consensus avant le vote: la diplomatie über alles!
Le groupe est libre d’établir ses institutions, de les réformer voire de les dissoudre. Quel État est préférable? Qui détient le Pouvoir? Quelle est la nécessité de fonder une société sur un contrat social? Pourquoi la démocratie est le moins mauvais des systèmes politiques?
C’est un outil pédagogique qui a des ramifications profondes et documentées: psychologie des groupes, philosophie politique etc. Un peu de lecture préalable (particulièrement B. Spinoza, G. Deleuze et F. Guattari, F. Oury, C. Rogers, P. Meirieu, M. Cifali, J. Rawls, P. Perrenoud, F. Lenoir, A. Honeth etc.) est bienvenue et soutiendra l’expérience en permettant à l’enseignant.e d’être force de propositions pour aider à dépasser certaines apories et soutenir l’éclosion du groupe à lui-même.
L’intention initiale d’une telle approche était une éducation à la citoyenneté démocratique, un empowerment des classes sociales les plus défavorisées. En 1920 comme en 2020, c’est toujours bon d’avoir cela en vue!
« Nous sommes un mouvement pédagogique, complexe et divers comme la vie, qui doit être et sera chaque année en progrès sur les réalisations de l’année précédente ; un mouvement qui crée ses méthodes, ses techniques et ses outils lorsque c’est nécessaire ; qui se saisit des méthodes et du matériel existant lorsqu’il le peut, les adoptant purement et simplement parfois, les perfectionnant la plupart du temps, technologiquement, techniquement et pédagogiquement pour les mettre au service de nos buts d’éducation libératrice […] ? Il faut que vous appreniez à connaître ces chemins, que vous vous familiarisiez avec les techniques qui ont présidé à leur construction, avec des ouvriers qui s’y sont dépensés avec la même bonne volonté que nous apportons à notre tour à la continuation de leur œuvre. » C. Freinet, 1946.
N’en déplaise à d’aucun.e.s, c’est une pédagogie née de la pensée de l’émancipation et qui trouve ses racines dans le mouvement syndical (anti-autoritaire). C’est faire honneur à nos prédécesseurs que de maintenir vivant cet état d’esprit.
🙂
Lausanne, 2022.